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Les veufs ayant des enfants majeurs ont-ils également droit à une rente ?

Les veufs ayant des enfants majeurs ont droit à une pension au même titre que les veuves ayant des enfants majeurs. C'est ce qu'a décidé la Cour européenne des droits de l'homme le 20 octobre 2020. La Grande Chambre a confirmé cet arrêt le 11 octobre 2022.

La Suisse ne doit pas discriminer les veufs ayant des enfants majeurs par rapport aux veuves ayant des enfants majeurs, même si le législateur l'a expressément prévu. Elle versera désormais une rente à ces veufs et adaptera sa législation.

Un veuf s'occupe de l'enfant à plein temps

Un veuf s'est occupé à plein temps de ses deux enfants pendant 16 bonnes années et reçoit une rente de veuf. Lorsque sa fille cadette atteint la majorité, la base légale de la rente de veuf disparaît et la caisse de compensation du canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures cesse de verser la rente. La caisse de compensation a rejeté le recours, tout comme le tribunal cantonal et le tribunal fédéral. Le veuf obtient gain de cause devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), suite à quoi la Suisse porte le jugement devant la Grande Chambre. Celle-ci rejette le recours et constate que la Suisse a violé l'interdiction de discrimination prévue par la Convention.

La suspension de la rente de veuf est contraire au principe d'égalité de traitement

Le veuf fait valoir que l'article de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants appliqué par la Suisse viole le principe constitutionnel d'égalité. Le Tribunal fédéral reconnaît certes le caractère discriminatoire de la disposition légale. Il fait toutefois remarquer que le législateur en était conscient et qu'il n'existe pas de juridiction constitutionnelle en Suisse. Un tribunal doit donc en principe appliquer la loi même si elle est contraire à la Constitution.

La CEDH rappelle qu'une discrimination ne peut être justifiée que par des motifs valables. Une référence à des traditions ou à des attitudes généralement répandues ne suffit pas à légitimer une discrimination. Le Conseil fédéral ne peut donc pas justifier la discrimination des veufs par le fait que la loi part du principe que l'homme est le soutien de famille et que la rente de veuve vise à éliminer l'inégalité qui en résulte. La CEDH constate au contraire que le veuf ne reçoit plus la pension uniquement parce qu'il est un homme. Pour la Cour, il n'y a aucune raison de penser qu'il aurait été plus facile pour cet homme, alors âgé de presque 60 ans, de reprendre une activité professionnelle qu'une femme dans la même situation. De même, la CEDH ne comprend pas pourquoi la suspension de la pension devrait moins affecter un veuf qu'une veuve.

La CEDH constate ainsi une violation par la Suisse de l'interdiction de discrimination inscrite dans la Convention et admet le recours du veuf. La Grande Chambre, saisie par la Suisse, confirme l'arrêt.

Un veuf peut demander un paiement complémentaire

Alors que la CEDH a admis le recours, elle renvoie le veuf devant le Tribunal fédéral pour la compensation financière des prestations de rente perdues. Le veuf peut demander la révision de la décision du Tribunal fédéral et, dans ce cadre, un paiement rétroactif des rentes. La Suisse devra en outre adapter sa législation.

L'Office fédéral des assurances sociales a édicté dans un premier temps une réglementation transitoire afin de permettre aux veufs se trouvant dans la même situation de continuer à percevoir la rente de veuf. Désormais, le versement de la rente aux veufs ayant des enfants ne s'arrêtera donc plus à la majorité des enfants.

Attention : Les pères veufs dont le versement de la rente a été définitivement suspendu avant le 11 octobre 2022 n'ont pas droit au versement d'une rente en vertu de cette réglementation transitoire. De même, l'arrêt de la Grande Chambre concerne exclusivement les pères veufs. Les veufs sans enfants ne peuvent pas tirer de droits de cet arrêt.

Mis à jour le 27 octobre 2022