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La clause de non-concurrence est-elle valable même si le patron a violé le contrat ?

Une clause de non-concurrence ne tombe pas automatiquement si l'employeuse a donné un motif justifié de résiliation. Elle ne cesse de s'appliquer que si l'employé résilie son contrat peu de temps après le motif justifié et qu'il ne reconnaît pas en même temps la prohibition de faire concurrence d'une autre manière. C'est ce qu'a confirmé le Tribunal fédéral dans sa décision du 3 janvier 2024.

Une clause de non-concurrence prévue par le droit du travail devient caduque lorsque l'employé résilie le contrat de travail pour un motif justifié. Il est impératif que le motif justifié soit à l'origine de la résiliation. Si une longue période s'écoule entre le motif et la résiliation, la proximité temporelle nécessaire fait défaut. Si l'employé se fait en outre verser une indemnité de carence après la résiliation du contrat de travail, il reconnaît la prohibition de faire concurrence.

Un travailleur s'oppose à une clause de non-concurrence

Le travailleur est employé depuis 2010 par une SA en tant que directeur adjoint. L'employeuse lui assure contractuellement une participation aux bénéfices selon un plan de bonus de projet séparé, mais ne la lui verse pas pour les années 2019-2021. Le contrat de travail contient en outre une clause de non-concurrence.

L'employé résilie son contrat de manière ordinaire pour le 31 mai 2021 et demande une indemnité pour la prohibition de concurrence. En même temps, il argumente que la prohibition de concurrence post-contractuelle n'est pas valable, car l'employeuse a violé le contrat de travail. Le tribunal du travail, saisi après une tentative de conciliation infructueuse, donne raison à l'employé et constate que la clause de non-concurrence est caduque. L'employeuse porte l'affaire devant la Cour suprême, qui admet partiellement l'appel et décide notamment que la prohibition de faire concurrence est toujours valable. L'employé forme un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.

La résiliation ne doit pas être immédiate, mais temporellement proche

L'employeuse peut ancrer dans le contrat de travail une prohibition de concurrence post-contractuelle. Mais si l'employé démissionne pour une raison compréhensible, comme un salaire nettement trop bas ou une surcharge de travail chronique, la prohibition de concurrence tombe. Selon une jurisprudence constante, il n'est alors pas nécessaire que l'employeuse viole le contrat de travail, il suffit que la résiliation semble compréhensible. (Cf. aussi : « Suite à une baisse de salaire, ai-je le droit de passer à la concurrence malgré une clause de non-concurrence ? »)

Dans le cas présent, l'employeuse n'a pas versé le bonus dû pendant deux ans. Toutefois, l'employé n'a pas démissionné immédiatement après le non-paiement, mais a attendu quelques mois avant de donner sa démission. Pour le tribunal du travail, cette hésitation est justifiée, car l'employé avait déjà 55 ans et devait donc bien réfléchir avant de donner son congé.

La Cour suprême et le Tribunal fédéral considèrent toutefois que le délai relativement long entre le non-versement du bonus et la résiliation prouve que le non-versement du bonus n'a pas été l'élément déclencheur de la démission.

Si l'employé accepte l'indemnité de carence, il accepte la clause de non-concurrence

Après la résiliation du contrat de travail, l'employé demande à l'employeuse une indemnité de carence, c'est-à-dire une rémunération pour le respect de la clause de non-concurrence. L'employeuse verse par la suite une indemnité de carence, que le travailleur accepte. Les deux parties ont ainsi conclu un contrat dans lequel l'employé reconnaît notamment la prohibition de faire concurrence. Mais si l'employé prétend que la prohibition de faire concurrence ne s'applique pas et qu'il perçoit en même temps une indemnité de carence, il agit de manière contradictoire et viole le principe de la bonne foi.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l'employé et l'oblige à prendre en charge les frais de justice à hauteur de 5’000 CHF ainsi que les dépens à hauteur de 6’000 CHF.